Parfait remède à la posture voûtée que nous avons tendance à adopter à longueur de journée, l’extension vers l’arrière permet d’étirer l’avant du corps et d’évacuer les tensions qui peuvent y être accumulées. Rien de tel qu’une extension pour ressentir un regain d’enthousiasme quasi instantané, une puissante montée d’énergie et un sentiment d’ouverture de la poitrine !
Une catégorie de postures qui nous pousse à surmonter nos peurs, à nous ouvrir à l’inconnu, et qui nous invite aussi bien souvent à l’humilité. Car bien qu’une puissante flexion arrière soit très esthétique (combien de photos de Danseurs au coucher du soleil ou de Pigeons royaux sur Instagram?), peu d’entre nous ont la souplesse et/ou la morphologie nécessaires à son accomplissement.
Et, sans doute motivé par notre photographie mentale du “yogi parfait”, nous pouvons être tentés par ces 4 erreurs en flexion arrière.
1. Lever le menton vers le ciel
Quand la colonne vertébrale n’est pas assez souple au niveau thoracique, on peut avoir tendance à courber exagérément la nuque, au niveau de l’articulation entre l’atlas et l’occiput, pour compenser et avoir l’impression d’aller plus loin dans la posture. L’atlas est la première vertèbre cervicale en partant du haut : elle tire son nom du titan Atlas, condamné à porter le poids du monde sur ses épaules. La première vertèbre cervicale, comme le titan Atlas, soutient effectivement tout le poids de la tête.
Si vous étirez la tête et le cou trop loin vers l’arrière, en Cobra par exemple, vous prenez le risque de tasser les vertèbres cervicales, voire de comprimer ou coincer un nerf, avec un retentissement dans les bras et les mains.
2. Surexploiter les lombaires
Quand on ne court pas le risque de surexploiter la courbure cervicale, on peut avoir tendance, à l’autre bout de la colonne, à surexploiter la courbure lombaire pour compenser le manque de mobilité au niveau thoracique.
Comment savoir si la flexion est harmonieusement répartie sur toute la colonne?
Observez la posture. Une flexion équilibrée se traduit par une courbe douce, continue, répartie sur l’ensemble de la colonne. Au contraire, une surexploitation de la partie lombaire se manifeste par un duo angle-ligne droite, avec une forme de L caractéristique: la partie thoracique (ou dorsale) forme une ligne droite, tandis que la partie lombaire semble pliée à un endroit “pivot”.
C’est ce que l’on appelle communément en yoga suivre le chemin de la moindre résistance:
– La partie lombaire de la colonne est en effet plus encline aux flexions arrière, grâce à sa courbure naturelle légèrement concave (lordose), tandis que la partie thoracique présente une courbe dans le sens inverse (cyphose).
– Ajoutons également que chaque vertèbre thoracique est articulée avec l’une des douze paires de côtes, ce qui n’est pas sans jouer en leur défaveur niveau mobilité.
– Enfin, une posture habituellement voûtée devant l’écran d’un ordinateur (ou autre activité quotidienne) engendre un raccourcissement des ligaments et des muscles de la partie avant et supérieure du torse, rendant la flexion arrière plus difficile.
Pourquoi est-ce si important de répartir le mouvement?
Tout comme une flexion avant pratiquée avec un bas du dos trop courbé, une flexion arrière avec un bas du dos trop cambré peut provoquer le déplacement d’un disque intervertébral (ou hernie discale). Répartir harmonieusement le mouvement aide donc à prémunir le bas du dos d’une trop grande cambrure et d’une éventuelle blessure.
3. Ne pas être correctement préparé
Au vu des bienfaits de la flexion arrière, on pourrait être tenté d’éteindre son ordinateur, dérouler son tapis à la hâte et se lancer dans une Roue enthousiaste et spontanée. Pas toujours une bonne idée. En effet, pour éviter de concentrer la flexion arrière sur la partie lombaire et le risque de blessure consécutif, il est important d’être un minimum échauffé.
4. Enchaîner immédiatement avec une flexion avant
Le principe de contre-posture est bien connu des yogis. La contre-posture est une posture de compensation effectuée après une posture “forte”: son rôle est de ramener le corps à l’équilibre.
La logique voudrait ainsi que l’on compense une extension par une flexion avant de la colonne. Mais dans la réalité, faire suivre une posture forte par une posture de même intensité dans le sens inverse n’est pas recommandé. Voyez ci-dessous un exemple extrême pour le cou: la posture du Lapin après la posture du Chameau.
Les deux groupes de muscles stabilisateurs de la colonne sont les fléchisseurs d’un côté (à l’avant du corps, les abdominaux), et les extenseurs de l’autre (attachés à l’arrière de la colonne). Engager ces deux groupes de muscles dans une succession rapide peut engendrer des spasmes et/ou un choc au niveau du système nerveux*.
(*Et les salutations au soleil, où l’on fait se succéder flexions avant et arrière? Oui, mais pas aussi longuement, ni aussi intensément que lorsqu’on pratique une posture isolément).
Comment pratiquer en toute sécurité ? Voici à présent les 4 choses à faire en flexion arrière.
4 Choses à faire en extension
1. Protéger son cou
Dans toute extension, pensez à garder la nuque la plus longue possible: souvenez-vous que le mouvement d’extension part du milieu du dos, et veillez à gardez l’occiput loin des épaules. Et si vous connaissez votre tendance à hyper-étendre le cou en Cobra, jouez la carte de la prudence en gardant le regard droit devant vous et la tête dans l’alignement de la colonne.
Certaines postures, comme le Chameau, requièrent toutefois d’étendre la tête vers l’arrière afin de ne pas générer de tension au niveau de l’avant du cou. Mais même dans ce cas, veillez à ne pas comprimer la nuque. Si vous êtes assez souple au niveau thoracique pour ouvrir la poitrine jusqu’à ce que les clavicules soient presque parallèles au sol, alors vous pouvez détendre la tête sans que la nuque ne soit comprimée.
2. Fléchir harmonieusement la colonne
1. Se concentrer prioritairement sur l’allongement de l’avant du corps, plutôt que sur la flexion de l’arrière du corps
“Les flexions arrières devraient être appelées les extensions avant”, selon Jo Zukuvich, professeur Iyengar.
2. Stabiliser la partie lombaire en engageant doucement les abdominaux pour déclencher l’effet “airbag”
Les muscles abdominaux exercent ainsi une légère pression sur les organes du ventre. Ces derniers stabilisent alors les vertèbres lombaires, les préservant d’une hyper-extension ou hyperlordose. Seule une légère contraction des abdominaux est nécessaire pour créer de l’espace au niveau de la colonne.
3. Mobiliser la partie qui bénéficierait d’un peu plus de mouvement (la partie thoracique)
Vous pouvez pour cela utiliser un bloc de yoga ou une couverture roulée, formant un cylindre de 15-20 cm de diamètre. Asseyez vous à environ 60 cm du cylindre et couchez-vous, de façon à ce que la partie basse de vos omoplates soit au centre du cylindre. Les bras sont relâchés sur les côtés, paumes vers le haut. Si vous ressentez une hyper-extension au niveau du cou, posez la tête sur un coussin ou sur un bloc. Restez 2-3 minutes dans cette position, puis basculez d’un côté avant de vous redresser lentement avec l’aide de vos bras.
3. Bien se préparer
Tout d’abord en progressant graduellement dans l’intensité, que ce soit dans le cadre d’un cours en particulier ou d’une pratique en général. Dans le cadre de votre pratique générale, pensez aux “demi-asanas”, des versions douces des asanas traditionnels : demi-pont, demi- chameau, demi-arc vous permettront de profiter des bienfaits de la flexion sans compromettre la santé de votre colonne.
Dans le cadre d’une séance, placez les flexions arrière en milieu de pratique, après vous être échauffé avec une série de salutations au soleil et après des postures qui sollicitent les muscles concernés. Si vous avez une posture en tête, qui constituera le “point culminant” des flexions arrière, préparez-la par d’autres postures de moindre intensité travaillant dans la même direction.
Pour ouvrir la poitrine et étirer les muscles les triceps et petits pectoraux, vous pouvez simplement lever les deux bras au-dessus de la tête, attraper un coude avec la main opposée et exercer une légère pression vers le bas et vers l’intérieur. Pensez aussi au Dauphin, dans lequel vous essayerez d’amener la poitrine en direction du haut des cuisses.
Les muscles fléchisseurs de la hanche et les quadriceps bénéficieront de la posture du Héros couché ou du Croissant de lune. Pour approfondir l’étirement en Croissant de lune, posez une main sur la cuisse avant et attrapez le pied arrière avec la main correspondante.
4. Choisir la bonne contre-posture
Mieux vaut y aller doucement, en incluant une posture de neutralisation de la colonne entre flexion arrière et flexion avant. Plus la séance est tardive dans la journée, plus il est important de consacrer du temps à cette posture de relaxation et de neutralisation de la colonne. Je me souviens encore d’une nuit d’insomnie suite à un cours du soir où nous avions passé beaucoup de temps en flexion arrière, au détriment des autres postures…
Pour poursuivre avec l’exemple du Chameau, pensez à rester plusieurs respirations dans la posture du Diamant, avant de redresser le bassin et faire une légère torsion de chaque côté. La colonne est ensuite prête pour les flexions avant (posture de l’Enfant, par exemple), parachevant ainsi le cycle initié avec les extensions. La boucle est bouclée, et la colonne est en bonne santé.
Hors du tapis, rares sont les occasions qui nous permettent d’étirer le corps en flexion arrière. Au contraire, nos activités quotidiennes nous poussent plutôt à fléchir le corps vers l’avant pour prendre des objets, voûter notre posture pour conduire, cuisiner ou encore travailler derrière un écran. Ce serait bête de passer à côté de cette occasion que nous offre le yoga de pratiquer l’extension vers l’arrière, que ce soit pour libérer l’estomac, redresser la cyphose dorsale, gainer la colonne vertébrale, ou simplement grandir et ouvrir son cœur… Car c’est bien ça, le but du yoga.
Pour en savoir plus
Yoga sans dégâts, Bernadette de Gasquet
Yoga Anatomie: Les muscles, Ray Long
The easiest mistake to make in backbends
3 common mistakes in backbends
Backbending to an open & healthy Spine
Merci vraiment pour cet article sur les flexions. Vous avez trouvé les mots justes et pertinents ! cela me parait maintenant évident ! je vais le relire plusieurs fois et le vivre aussi avant de trouver mes mots et les transmettre à mes élèves. Je vais continuer à vous suivre ! Magali
J’ai abandonné les postures pour des raisons physiques liées à mon cheminement interne en méditation. Habituellement, les pratiquants se servent des postures pour aller vers la méditation. Personnellement, j’ai fait l’inverse : je patiente depuis au moins 10 ans que la méditation m’autorise à repratiquer les postures.
Mon désir du hatha yoga ne s’éteint pas. Il reste constamment en arrière-plan, attendant peut-être le jour où mon corps acceptera de bouger sans souffrir.
Pour le moment, je prends plaisir à lire les expériences des uns et des autres, et vous envie de pouvoir échanger sur tout ce que j’ai été obligé de mettre de côté.
La méditation est un chemin bien plus solitaire.
Merci pour tous ces partages.
Bonsoir,
J’avais écrit une réponse concernant mon rapport entre la méditation et le hathayoga. Je constate qu’elle n’y est plus alors que j’avais vérifié sa publication. A-t-elle été supprimée ou n’est-elle pas passée ?
Merci de me renseigner.
Désolé pour ce dernier message mais l’affichage des réponses est incompréhensible. Hier, ma réponse du 9 septembre n’existait pas, aujourd’hui, elle apparaît de nouveau !
Ping : Ces huit postures qui se ressemblent comme deux gouttes d’eau – 3heures48minutes
Bonjour Clémentine, super article. j’ai partagé un max et aussi depuis mon site. https://www.yogasamkhya.be/les-fausses-soeurs/
Amitiés yoguiques
Vincent
Ping : Quelle est la différence entre un Cobra et un Chien tête en haut? | 3heures48minutes
Ping : Un invincible été » Ailleurs sur le web #54
C’est toujours utile ces recommandations. Quand je pratique la posture du cobra, mes deux points d’appuis sont la ceinture pelvienne sur le sol et, par l’intermédiaire des épaules, la ceinture scapulaire qui maintient la zone dorsale et cervicale basse. La zone lombaire est complètement souple et relâchée, elle tombe littéralement entre les deux ceintures, ce qui permet au prana de s’y engouffrer.
Je dis toujours à mes élèves de bien protéger le bas du dos en amenant le bas du sacrum vers les talons pour éviter de raccourcir les lombaires dans l’effort et d’allonger le bas du dos en remontant le reins, je ne sais pas s’ils me suivent toujours dans toutes ces explications mais j’ai peu de réclamations lors des postures arrière sauf celles qui ont vraiment une pathologie dans ce cas je leur fait faire autre chose. Tu as raison en essayant toujours de jouer au yogi parfait, on en oublie parfois le plus important. Je me rappellerai toujours une phrase de David Meloni, un prof d’iyengar, qui disait que le plus important dans les backbends, c’est d’allonger le dos pas de le plier, backbends est la pire des traductions”. Merci pour ton article
Oui, j’aime bien la vision Iyengar, “les flexions arrières devraient être appelées les extensions avant”. Ce petit changement de vocabulaire entraîne une toute autre vision de l’asana et du but visé en la pratiquant!
Ping : 4 choses à ne pas faire en flexion arrière | 3heures48minutes
Bonjour Clémentine,
Je pense que l’approche et le travail de Noëlle PEREZ-CHRISTIAENS (http://www.isaplomb.org) pourraient t’intéresser. Notamment le livre “Pathologie du Yoga”. (Attention le yoga peut-être dangereux pour vous) et les suppléments qui vont avec. Certains sont malheureusement épuisés.
Merci, j’ai navigué sur le site et lu plusieurs de ses écrits, c’est inspirant, cette démarche de retrouver la “sensation juste”. J’aime beaucoup.