Ma Madeleine de Proust yogique

Aujourd’hui, expérience marquante lors du cours de Hatha yoga auquel je me rends souvent le samedi, de 3 à 5. J’apprécie tout particulièrement la prof et l’enthousiasme qu’elle parvient à transmettre à ses élèves pourtant accablés de chaleur, comme on peut l’être en Thaïlande en milieu d’après-midi. Le cours débute par quelques doux échauffements et une douzaine de salutations au soleil. Il se poursuit comme à l’accoutumée avec les postures debout, en commençant par Vrksasana, la posture de l’Arbre.

Arbre

Ayant l’habitude de la pratiquer tous les jours, l’Arbre est une posture que je considère comme “acquise”, quasi-naturelle. Elle fait partie de ma routine yogique et de mon quotidien. Cette même posture qui à peine 2 ans auparavant me faisait perdre l’équilibre au bout d’une dizaine de secondes, je l’aborde à présent avec sérénité, voire avec monotonie. Et c’est précisément ici que se profile une expérience intéressante, grâce à une suggestion inattendue de ma prof de yoga. 

Perpétuellement débutant

Ma prof nous fait prendre un bloc de yoga, le déposer devant nous, grimper sur le bloc à un pied et amener le pied gauche sur la cuisse droite, le tout avec attention et en synchronisant notre respiration (nous sommes bien dans un cours de yoga, tout de même).

Perchée sur un bloc de yoga, l’équilibre sur une jambe que je tenais pour acquis me fait subitement défaut. Je ne parviens pas à maintenir la posture plus de quelques secondes, je tente de comprendre quels muscles mobiliser, je tombe, je recommence, j’expérimente.

En quelques mots, je retrouve l’esprit du débutant.

Regain d’enthousiasme pour cette posture habituelle, sentiment d’être pleinement dans l’instant (et non en train d’anticiper la prochaine posture, comme je me surprends à le faire de temps en temps), disparition du bavardage mental, tous ces effets secondaires bénéfiques surviennent en retrouvant l’esprit du débutant.

Quand Savoir devient l’ennemi d’Apprendre

Quand on pense maitriser quelque chose, on oublie vite les étapes et les sensations ressenties lors de son apprentissage. Les choses nous semblent évidentes. On perd l’esprit du débutant, qu’il est si important de conserver pour continuer à progresser.

En effet, quand on sait « ce qu’on doit faire » et « comment le faire », on cesse d’apprendre: on s’arrête au bord du chemin, considérant qu’on en sait déjà assez. Alors, Savoir devient l’ennemi d’Apprendre. On pratique en mode automatique, et c’est ici que le yoga devient une gymnastique. La posture devient simple position, une attitude dans laquelle on ne met pas de conscience particulière. L’expérience passée nous empêche à présent d’expérimenter.

Retrouver l’esprit du débutant, ce n’est pas repartir de zéro, mais porter un regard neuf. Ne pas oublier ce que on a appris, mais faire « comme si ».


Le bloc de Vrksasana restera longtemps dans ma mémoire comme un micro-événement qui a fait ressurgir des sensations enfouies, celles de mes premiers pas sur le chemin du yoga. Proust a sa madeleine, j’ai mon bloc de yoga. Et vous?


Pour en savoir plus sur l’esprit du débutant en yoga, c’est par ici.

19 réflexions sur “Ma Madeleine de Proust yogique”

  1. Ping : 5 postures pour équilibrer Muladhara, le chakra Racine | 3heures48minutes

  2. DELARUE Dominique

    Merci pour vos articles en général, pleins d’humour, d’enthousiasme, de toutes ces qualités qui nous encouragent à persévérer dans le yoga. J’ai bien apprécié “Ma madeleine Proust yogique, car j’ai moi aussi du mal à tenir la posture de l’arbre en dépit de 36 ans de pratique du yoga… Si bien que je m’abstiens de la prendre, mais votre article devrait m’y encourager et tant mieux car la posture de l’arbre présente de nombreux effets bénéfiques.
    Merci en général pour tous vos articles!

    1. Merci Dominique! Ouaw, 36 ans! J’imagine quel bonheur cela doit être, une relation de si longue durée avec le yoga ;-)
      Un arbre prend du temps à pousser… Mais une fois enraciné, son équilibre est à toute épreuve!

  3. L’un de mes profs de yoga nous fait faire l’arbre en fermant les yeux. Incroyable ! Moi qui n’éprouvait pas de difficulté dans cette posture, là ça devient super difficile de conserver son équilibre !

  4. C’est vrai que changer ses habitudes, c’est réapprendre sans cesse. C’est une des choses les plus importantes “on and off the mat”. Parfois, les débuts me manquent et quand je retourne à un cours débutant, je suis fascinée de toutes les choses que j’avais pu oubliée. Le bloc est aussi mon ami. Essaye Ardha Candrasana sur un bloc. Tu m’en diras des nouvelles. ;-)

  5. Salut Clémentine, merci pour ton article.
    Ta vision de l'”esprit du débutant” est très intéressante. C’est une belle image pour remplacer la définition de la concentration et je vais la glisser de temps en temps dans mes cours ;-).
    J’aime souvent (me) rappeler de pratiquer comme un enfant. Quand les jeunes enfants découvrent, ils sont investis à 100%, tous les sens en éveil. Ils sont capables de répéter la même expérience des dizaines de fois de suite, juste pour voir s’ils obtiendront le même résultat ou pas. C’est de l’observation pure, sans attente, d’où ils tirent leurs conclusions. Ils font aussi les choses juste parce qu’ils les aiment et qu’ils sont curieux, sans aucune notion de performance, d’obligation ou autre. Je les trouve fascinant et de “grands maîtres” sur le chemin de la concentration et de l’unité :-). Bises

  6. Très bel article! Et c’est une logique qui dépasse celle du yoga.. Pour progresser, il faut savoir sortir de sa zone de performance et accepter de retourner dans sa zone d’apprentissage!

  7. Bonjour Clémentine

    merci pour tes articles toujours très inspirants et doux.

    Je viens en Thaïlande prochainement dans un centre de méditation à Ao Nang et je me demandais si tu connaissais un cours de yoga à proximité. Toi même je crois que tu es sur une ile, est-elle très éloignée de Ao Nang ?

    Om shanti

    Kunti

      1. Bonjour Clémentine, l’endroit dont parle l’article, Ananta, est celui où je vais justement ! Mais il n’est pas prévu de cours de yoga, on verra. Merci de ta réponse. Om Shanti.

  8. Oui, nous sommes des éternels débutants! André Van Lysebeth l’avait écrit dans un des ses livres et c’est tellement vrai. Merci pour ton site! il m’inspire beaucoup.

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