Comment sait-on qu’on atteint samadhi ?

Samadhi. Un mot entouré d’un halo de mystère, qui laisse rêveur et perplexe. Le but et la conséquence de toute pratique selon le yoga classique… Un objectif qu’il est facile de perdre de vue tellement il paraît flou et lointain !

Illustration : Vanka Vukelic

Heureusement, ceux qui ont expérimenté samadhi (en ce domaine, beaucoup d’appelés, peu d’élus) nous ont livré certaines informations. Voyons donc ce qu’ils en disent, car pour continuer à avancer dans la bonne direction, il est bon de connaître sa destination.

Samadhi, c’est un état. Dans le yoga classique présenté par Patanjali, il est la 8e et dernière branche du yoga. Après avoir appris à respecter certaines règles de conduite, à pratiquer des postures de manière stable,  à contrôler son souffle vital et à rétracter ses sens, le yogi entre dans un processus de yoga « interne ».

Samyama

Les trois dernières branches du yoga sont regroupées sous le nom de samyama, qu’on pourrait traduire par “intégration” :

  • Dharana, la concentration
  • Dhyana, la méditation
  • Et le fameux samadhi

Le samyama implique de fixer sa pensée sur un objet ou une idée. Pour passer de la concentration à la méditation, puis de la méditation au samadhi, le yogi ne doit recourir à aucune nouvelle technique. Il s’agit d’un processus continu : la distinction entre ces 3 étapes n’est pas une différence de nature, mais d’intensité.

Comment donc reconnaître samadhi ?

On peut parler de samadhi lorsqu’il y a absorption : la méditation est si profonde que le sujet méditant et l’objet de méditation ne sont plus distincts l’un de l’autre. « Celui qui médite » et « ce qu’il médite » ne font plus qu’un. Le mental reflète parfaitement l’objet de méditation, sans que ce dernier ne soit déformé par notre perception individuelle, nos émotions, nos souvenirs ou nos conditionnements. L’objet est perçu dans sa vraie nature par notre vraie nature. En ce sens, samadhi est un état de lucidité extrême de l’âme… Le souffle est retenu, le mental ne fonctionne plus.

Imperturbable, le yogi en samadhi ne connaît ni chaud ni froid, ni douleur ni plaisir. Alors que la méditation peut être interrompue si les sens sont attirés par un stimulus externe, le samadhi est un état invulnérable.

Nombreuses sont les descriptions de yogis qui suspendent leur souffle et les battements de leur cœur, tout absorbés qu’ils sont dans leur samadhi ! En quelque sorte, ils font l’expérience de la mort… On dit d’ailleurs d’un yogi qui rend son dernier souffle qu’il est “entré en samadhi” ; contrairement à la coutume, on ne brûle pas son corps (on ne sait jamais, qu’il déciderait de suspendre son samadhi). Il est enterré dans la posture du Lotus, et son tombeau, qui porte lui-même le nom de samadhi, devient souvent lieu de pèlerinage.

Lorsque le yogi suspend les effets du samadhi pour reprendre le cours de sa vie, on dit de lui qu’il est jivan-mukta, un « libéré-vivant ». Son âme est délivrée de toute souffrance et de toute dépendance, et surtout du cycle des renaissances… Mais comme le tour de potier continue de tourner un certain temps après que le pot est achevé, il reste au yogi un résidu karmique à consommer avant d’expérimenter le « mahasamadhi », le grand samadhi, c’est-à-dire la mort du corps physique. Entre-temps, il se fera peut-être gourou, arpentant la terre à la recherche d’un disciple digne d’être initié au secret de la Libération !

Le samadhi, c’est l’absorption complète, la concentration parfaite. Un mot fut inventé par Mircea Eliade pour tenter de décrire l’indescriptible : enstase. Contrairement à l’extase chamanique ou chrétienne, le yogi en samadhi ne sort pas de son corps mais s’intériorise à l’extrême. Précisons que l’état de samadhi comporte plusieurs stades et degrés d’intensité, et qu’il existe différentes sortes de samadhi, selon la nature ou l’absence de l’objet médité. Mais ça, ce sera pour une autre fois.

Pour en savoir plus

  • Les Yoga Sutras décryptés, formation donnée par Alexandre Astier
  • Yoga-Sutra de Patanjali, traduit et commenté par Frans Moors
  • Clefs pour le yoga, Tara Michaël
  • Le yoga et la tradition hindoue, Jean Varenne
  • Hatha Yoga Pradipika, Chapitre IV

Illustration: Vanja Vukelić

20 réflexions sur “Comment sait-on qu’on atteint samadhi ?”

  1. Ping : Tantra Yoga : la Sexualité fait-elle Gagner en Vitalité ? - Origami Mama

  2. Bonjour Clémentine, bonjour tout le monde,
    J’ai dû envoyé un écrit analogue, je ne sais même plus où sur le site. Je le reprends adapté au sujet en question.
    Je n’ai pas été sur un seul forum de yoga depuis 2 ans et pour cause. Beaucoup de changements intérieurs m’ont fait abandonner le hatha yoga, pas la méditation toutefois. Je la continue d’une manière plus soutenue.
    Pourquoi ?, je ne sais pas et qu’importe, c’est mon chemin.
    Au lieu de lutter contre mon corps pour le forcer à faire ce qu’il ne réclame pas, je l’accompagne tel qu’il est. J’ai pu me tromper pendant 38 ans, aucune importance. A ce niveau, les secondes sont comme les années : le temps ne compte pas. Je meure aux postures pour renaître sur un autre plan.
    J’ai longtemps hésité à intervenir sur l’article de Clémentine à propos du samadhi. Disons que je n’étais pas prêt.
    Que de termes pour le cerner en conservant notre espace-temps. Il s’inscrit, par la perception de nos sens, dans la déroulement de la parole et de l’écrit. C’est l’espace-temps de notre monde en somme. Pour cette raison, ajouter des mots à d’autres mots, c’est-à-dire ne changer que la variable « espace », ne fait que tourner autour du samadhi sans jamais l’expérimenter. En croyant s’en approcher, en s’en éloigne, car chaque mot est un voile.
    Pour atteindre le samadhi, il faut s’intéresser à la variable « temps » : le ralentir et le ralentir encore jusqu’à sa cessation. A chaque ralentissement, les pensées se raréfient et les sens se retirent. Notre conscience quitte de plus en plus le monde grossier et apparent de la forme matérielle pour percevoir le monde subtil et caché de la forme énergétique. Au bout, là où ni matière ni énergie ne subsistent, là où ni pensées ni perceptions sensorielles n’existent, le temps s’arrête. Cependant, notre conscience, originelle, est toujours présente, sans objet, sans identification, sans autre ; simplement là, consciente d’elle-même.
    Au-delà des lumières solaires et mentales, il subsiste une troisième lumière, sans intérieur ni extérieur, sans ombre ni reflet, sans forme ni espace, sans commencement ni fin.
    Elle « descend » sous la forme de rayons lumineux ou « s’approche » sous la forme de halos de lumière. Parfois, elle envahit l’espace méditatif pour n’être plus qu’elle, avant de se retirer. Une fraction de seconde dans la lumière, plusieurs dizaines de minutes pour notre monde : le temps s’est bien arrêté.
    Est-ce le samadhi dont les yogi parlent ?

    1. Bonjour Robert!
      Et bon retour parmi nous.
      Peut-être pourrait alors résumer le tout en un mot: résorption. Parcourir le chemin inverse du processus de manifestation, du pus grossier au plus subtil, jusqu’à l’indifférencié?
      Il est certain, et je vous fais tout à fait confiance sur ce point, qu’on ne fait que tourner autour du pot en tentant de décrire l’indescriptible, et que l’expérience se vit dans la pratique. Expérience que je n’ai personnellement pas vécue… alors en attendant, j’aime lire ce que les autres en disent :)
      Merci pour vos mots.

  3. Ping : Enstase, Instase, Extase, Samadhi, Adoration, Danse, Transe ou comment se remettre la tête à l’endroit – rikikiyogi

  4. Merci pour ce bel article et cette référence à Mircea Eliade que je n ai plus lu depuis au moins 20 ans. Je pratique un yoga tres traditionnel depuis 3 ans, accompagne de méditation et de cours de bhajans. En plus, je fais zazen intensément. Je voyais il y quelques jours sur Arte un spectacle Soufi avec des derviches. Enstase ou extase, enstase plutot mais en mouvement. Je suis fascinée par les courants spirituels et meditatifs, les chemins sont différents mais la voie est la même…. Je vais relire Mircea Eliade et on m a conseillé Rumi le brule sur la fondation de cette branche soufiste…. Bien a vous 🙏

  5. Bonjour Clémentine
    Ton article est super comme tous ceux que tu écris, c’est vrai que c’est que du bonheur de te lire, on apprend tellement avec toi. Tu apportes une approche du yoga tellement profonde avec tellement de simplicité 💙
    Merci Clémentine

  6. Bonjour Clémentine
    C’est toujours une joie de vous lire. En effet vous avez ce don de rendre accessible toute la complexité de la traduction cet science du yoga.
    Je recommande votre livre sur le 45 postures, c’est un régal 🙂 ainsi que yogi food !!! Très bien illustré, avec une approche sur l’ayurveda très intéressante.
    Surtout, continuez !!!! Merci Clémentine

  7. Bonjour Clémentine, j’apprécie beaucoup de vous lire, cela apporte de la profondeur à ma pratique du yoga et vos recherches et ce que vous partagez avec nous est inédit. J’ai récemment acheté votre livre “Le chien tête en bas” que je déguste lentement pour infuser mes postures. Un petit regret cependant : c’est dommage que seulement certaines postures soient illustrées !
    Merci pour le partage et l’inspiration.
    Namasté
    Isabelle

    1. Merci Isabelle pour votre retour sur Le chien tête en bas, je suis heureuse qu’il vous plaise. J’ai le même regret pour les illustrations… peut-être pour une prochaine édition, qui sait! Namasté

      1. j’ai découvert votre livre lors d’une formation, puis votre site. Tous 2 sont un régal et je rejoins Isabelle; se déguste lentement, infuse et fait son oeuvre lors de la pratique.
        Merci!
        olivia

  8. Merci Clémentine, bon rappel, bien documenté, du « grand » objectif de nos pratiques de yoga… En attendant, tout le chemin est passionnant 😉🙏🏻

  9. Merci pour cette découverte, c’est une notion dont je n’avais jamais entendu parlé. Probablement parce que je pratique le yoga pour la souplesse et l’apaique cela m’apporte avec le livre de Van Lisbeth et maintenant grâce aux conseils trouvés sur votre site.

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