Son nom évoque noblesse, puissance, et un soupçon de dangerosité. Et la posture porte bien son nom. Bhujangasana apporte de puissants effets, mais n’est pas sans danger si elle est mal pratiquée. Le Cobra nous met doublement au défi : ouvrir l’avant du corps tout en préservant le bas du dos, faire monter le tronc tout en faisant descendre les épaules. Focus sur cette posture qui fait rougir le dos et s’ouvrir le cœur.
La pratique
Comme souvent en yoga, chaque école a sa technique : positions des mains, écartement des pieds, inclinaison de la tête, tout se discute et peut se justifier. Je parlerai ici de celle que j’ai apprise. Elle se présente en deux phases : une phase dynamique d’échauffement de la musculature dorsale, suivie d’une phase statique.
Phase dynamique
À plat ventre, face contre terre, pieds joints, mains à plat sur le tapis, bouts des doigts sous l’arrondi des épaules et coudes près du buste. Après une phase de concentration, poussez le nez puis le menton vers l’avant, en frôlant le tapis.
La tête se soulève, suivie du buste, par l’action des muscles dorsaux ; les bras sont passifs dans cette phase (vous pouvez soulever les mains de quelques centimètres pour vous en assurer). Le Cobra n’a pas de bras, comme aiment à le rappeler certains professeurs de yoga!
Le retour au sol se fait avec soin, dans le sens inverse de la montée : les muscles du dos contrôlent la descente, le menton revient au sol puis vers l’arrière jusqu’à ce que le front touche le tapis.
Répétez trois fois ce mouvement, sans violence ni saccade, en marquant une petite pause au point culminant.
Phase statique
Restez en haut après la 3e montée, le poids des bras reposant sur les paumes des mains. Marquez un temps d’arrêt pour laisser le dos se relaxer : ici, les bras prennent le relais.
La poussée des mains nous aide à redresser le buste davantage. Plutôt que « poussée », on peut parler de traction des mains. Imaginez que vous souhaitiez passer sous un fil barbelé sans vous écorcher : les mains, tout en restant collées au tapis, effectuent un mouvement de traction vers l’arrière pour allonger le buste vers l’avant. Les jambes étant plus relâchées que dans la phase dynamique, les pieds peuvent s’écarter l’un de l’autre.
Veillez à garder la nuque longue, la tête fièrement dressée, sans sortir le menton. Le poids du corps faisant redescendre la cage thoracique par rapport aux omoplates, les épaules peuvent avoir tendance à monter vers les oreilles, faisant disparaître le cou. Il faut donc consciemment chercher à descendre les omoplates.
Maintenez la posture 3 à 10 respirations en vous concentrant sur les sensations perçues au niveau de la colonne vertébrale. Ramenez précautionneusement le buste sur le tapis et appréciez les effets de la posture. Certains yogis aiment poursuivre avec la posture de la Sauterelle et de l’Arc.
Les effets
Parfait remède à la posture voûtée que nous avons tendance à adopter à longueur de journée, la flexion arrière permet d’étirer l’avant du corps et d’évacuer les tensions qui peuvent y être accumulées. Selon les maîtres de la discipline, la pratique régulière du Cobra permet aussi de :
– Renforcer la musculature dorsale
– Assouplir la colonne vertébrale
– Tonifier le contenu viscéral
– Lutter contre la constipation
– Soulager les flatulences post-prandiales
– Accroître l’assurance et le sentiment de sécurité
Mais le mieux reste de tester pour découvrir tous ses bienfaits. Pour conclure, je ne résiste pas à vous montrer l’illustration de CÄät réalisée pour Le chien tête en bas : 45 histoires d’asanas. Un beau dessin vaut mieux qu’un long discours !
Hors du tapis, rares sont les occasions qui nous permettent d’étirer le corps en flexion arrière. Au contraire, nos activités quotidiennes nous poussent plutôt à fléchir le corps vers l’avant pour prendre des objets, voûter notre posture pour conduire, cuisiner ou encore travailler derrière un écran. Ce serait bête de passer à côté de cette occasion que nous offre le yoga de pratiquer la flexion arrière, que ce soit pour libérer l’estomac, redresser la cyphose dorsale, gainer la colonne vertébrale, ou simplement grandir et ouvrir son cœur… Et c’est bien ce qu’on peut expérimenter en Cobra : ouvrir son cœur, prendre de la hauteur, ressentir en profondeur !
Pour en savoir plus
La pratique: Encyclopédie du yoga, André Van Lysebeth
L’anatomie: Anatomie pour le Yoga, Blandine Calais-Germain
La symbolique: Le chien tête en bas, 45 histoires d’asanas
Bonjour, y’a t’il des contre-indications à pratiquer cette posture ?
J’adhère totalement à ton article il est très complet.
Bonsoir Clémentine,
J’ai lu votre ouvrage “Le chien tête en bas”. La représentation du serpent en Inde diffère complètement de celle que nous connaissons en Occident. L’amalgame aboutit facilement à des compréhensions abusives d’une posture si nous ne positionnons pas les repères symboliques à leur place culturelle. Je me suis parfois laissé prendre à cet inutile déplacement mental. C’est un problème récurrent en Occident qui intellectualise avant de comprendre.
Je l’ai déjà dit, je m’intéresse surtout aux aspects alchimiques d’un travail intérieur.
La terre de muladharachakra est le chaudron qui sert de support au mélange des trois composants que sont l’air, le feu et l’eau. L’air/souffle de pranavayu doit se mélanger à l’eau d’apanavayu pour cuire avec le feu de samanavayu. Ainsi, en entraînant le feu avec lui, le souffle doit-il descendre sous le nombril, c’est alors que l’œuvre alchimique peut commencer.
D’une manière simplifiée, l’aspect apparent du cobra nous porte à voir l’angle que fait le bassin et les membres inférieurs horizontaux, avec le tronc et la tête verticaux. Les épaules et les coudes sont plaqués au tronc pour maintenir l’ensemble.
L’aspect intérieur de la posture ne se voit pas. Il représente cependant la richesse subtile du cobra. Si les ceintures pelviennes et scapulaires forment le soutient, toute la zone lombaire d’apana doit être complètement relâchée afin que le souffle de prana puisse s’y engouffrer en entraînant avec lui le feu de samana. Ainsi, le mélange de samana/feu, prana/souffle et apana/eau sous le nombril, réalise l’œuvre alchimique de transformation de la matière par l’esprit.
Personnellement, j’estime que j’ai réussi quelque chose de cette posture quand j’ai réalisé ce mélange, sûrement pas quand je me suis plus ou moins bien redressé à la limite de mes possibilités limitées par les raideurs et douleurs de mon âge.
Je comprends pourquoi Iyengar qualifiait la chandelle, le cobra et la charrue de trois postures reines. A leur manière, chacune réalise se mélange à la base de la transformation de la conscience. Je rajouterais : la pince.
Comme d’habitude, il y aurait beaucoup à dire sur tous ces aspects, mais cette page du forum demande à aller à l’essentiel.
Si la santé ( le souffle) vous le permet, associer cette technique de yoga en milieu aquatique rejoindrait la nage papillon pour ce qui est de développer la souplesse dorsale . Le tapis est l’eau…
Salut les yoginis,
Super site, Merci ;)
Je confirme la qualité des 3 livres cités en bibliographie.
Et oui, dans certaines écoles lorsque les bras sont tendus et le bassin décollé, cela s’appelle un “cobra suspendu” mais les cobras ne se suspendent pas, ils ne sont pas arboricoles et restent le ventre sur le sol.
Donc, comme Alain Yogaddict, dans ce cas je préfère appeler cette posture “chien tête/museau en haut”.
Namasté, Sylvia.
Bravo, une fois de plus j’adhère totalement à ton article ! Et on peut aussi imaginer être un serpent dans cette posture, se redresser très lentement.
Dans certains cours on appelle cobra un chien tête en haut. Sur les bras tendus, et sur les orteils (ok pour un chien, mais pas pour un cobra !).
Yogamicalement.
Merci Alain pour la précision cobra/chien tête en haut! J’ai longtemps pratiqué un “entre-deux” sans en avoir conscience…