Mudras : que signifient ces gestes des mains?

Illustration par Nintin Brijwal

Lorsqu’ils méditent, respirent ou pratiquent leurs asanas, les yogis esquissent parfois de curieux gestes appelés mudras. Ou hasta mudras, pour être précis : “mudras des mains”.

Certains yogis forment ainsi un cercle du pouce et de l’index, tandis que d’autres préfèrent méditer les poings fermés ou joindre les mains devant la poitrine. Ces gestes sont rarement approfondis en cours, faute de temps, mais ils sont pourtant passionnants : chacun (il en existe des dizaines) recèle une riche symbolique et favorise un certain état d’esprit. Focus sur mon favori du moment… Mais avant ça, quelques questions de circonstance.

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(Petite précision quant à la prononciation du terme qui nous intéresse, au cas où vous liriez cet article à voix haute. Le mot “mudra” est féminin en sanskrit, et son a est une voyelle longue, signifiant que l’on s’attarde sur la syllabe finale).

Qui a inventé les mudras ?

La tradition veut que les mudras soient nées spontanément, reçues par les grands sages des temps anciens lors de leurs profondes méditations. Lorsqu’ils atteignaient de hauts états de conscience, leurs mains esquissaient tout naturellement certains gestes. Ces gestes furent codifiés et transmis à leurs disciples, qui à leur tour les utilisèrent dans leurs méditations pour induire l’état d’esprit recherché. Dans ce cas, les mudras sont un peu comme l’alphabet d’un langage des signes destiné au mental.

Historiquement, les premières mudras que nous connaissons sont celles des prêtres brahmanes. Lors des sacrifices aux divinités, les officiants du rituel associent un geste de mains particulier à chacun des mantras récités, afin de renforcer les effets “magiques” de ces derniers. Nous sommes au 2e millénaire avant notre ère.

Bien plus tard, au tournant du 2e millénaire après notre ère, les adeptes du tantra feront un grand usage des mudras. Les tantriques sont des hyper-ritualistes: chaque jour, ils adorent leur divinité d’élection en s’absorbant dans un univers liturgique fait de sons, de gestes et d’images. Ils récitent des mantras, créent des diagrammes symboliques appelés mandalas et esquissent de leurs doigts des gestes élaborés (les fameuses mudras) : le but est de se rapprocher de leur divinité, voire de devenir la divinité elle-même. Une mudra, c’est la divinité sous sa forme gestuelle. À titre d’exemple, citons la technique tantrique du nyasa, ou “rituel d’imposition” : de sa main droite placée dans une mudra particulière, le pratiquant touche une certaine partie de son corps (généralement l’endroit où il imagine que se trouve un chakra) en récitant un mantra. Avec cette mudra (le geste du divin), il fait pénétrer le mantra, aka la forme sonore du dieu, dans son corps. Par la mudra, le pratiquant scelle la divinité dans sa chair.  Il transforme ainsi son corps humain en corps divin : il se rend apte à poursuivre le rituel.

Quelques siècles plus tard, avec le développement du Hatha Yoga, on pratique également les mudras. Avec les hatha yogins, il n’est plus tellement question de gestes de mains : les mudras sont majoritairement de postures corporelles. Parmi les mudras du Hatha Yoga originel, citons, pêle-mêle:

  • Viparita Karani mudra, inversion que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de Sarvangasana, la Chandelle;
  • Ashvini mudra, consistant à contracter puis relâcher l’anus;
  • Khechari mudra, le retournement de la langue vers la partie tendre du palais.

Pour ces hatha yogins, le but des mudras est double. Il s’agit soit d’empêcher l’écoulement du bindu (ou amrita), capital énergétique entreposé dans la zone de la tête, soit de faire remonter le souffle vital au centre de la colonne vertébrale, et de le projeter jusqu’au sommet du crâne pour atteindre la Libération. On retrouve dans les deux cas l’idée de sceau. C’est bien cela que le terme mudra désigne en sanskrit.

à quoi sert une mudra ?

Le sceau sert à sceller ou estampiller quelque chose. En yoga, il s’agit de sceller les énergies à un certain endroit du corps.

Les hasta mudras (“mudras des mains”) peuvent ainsi agir comme une barrière pour éviter que le prana, l’énergie vitale, ne s’échappe par le bout des doigts. Les asanas favorisent la libre circulation du prana ; les mudras agissent quant à elles comme des verrous, dirigeant et scellant l’énergie à certains endroits du corps. Les deux gestes peuvent donc être complémentaires dans une pratique yogique. 

Outre leurs bienfaits énergétiques, les mudras auraient des effets thérapeutiques. Selon certains yogis, chaque doigt correspond à l’un des 5 éléments présent dans le corps : terre, eau, feu, air, éther. On retrouve cette conception en Ayurveda, bien que les associations doigts-éléments diffèrent.

En effectuant certains gestes, on pourrait donc agir sur les maux provoqués par le déséquilibre de certains éléments. Par exemple, en cas de flatulences ou de ballonnements, traduisant un excès d’Air dans l’organisme, on peut replier l’index (correspondant, vous l’aurez deviné, à l’élément Air) vers la base du pouce, et exercer une légère pression sur celui-ci. Ce geste s’appelle vayu mudra. Pratiquées régulièrement, certaines mudras soulageraient les insomnies, d’autres élimineraient la constipation ou encore favoriseraient la vivacité d’esprit. À vous de jouer.

Pour en savoir plus, c’est par ici.

Ma favorite du moment : GAnESHA MUDRA

  • Amenez la main gauche devant la poitrine, paume dirigée vers l’extérieur, puis la main droite, paume dirigée vers l’intérieur.
  • Crochetez les mains. Les avant-bras forment une ligne horizontale à hauteur du cœur.
  • Expirez, écartez les coudes comme si vous vouliez séparer les mains. Inspirez, relâchez la tension. Répétez 6 fois en suivant le rythme de la respiration.
  • Maintenez la mudra et placez les mains contre le sternum. Pratiquez la mudra le temps désiré, puis répétez en inversant la position des mains.

Avec sa tête d’éléphant et son énorme corps glouton, Ganesha est l’une des divinités les plus vénérées au quotidien. Il est le seigneur des obstacles : on peut lui rendre hommage avant toute nouvelle entreprise, afin qu’il nous aide à surmonter les difficultés inévitables. Son corps gras, symbole de prospérité, ne peut être que de bon augure ! Les mains placées à hauteur de poitrine, les doigts repliés et imbriqués, la mudra de Ganesha nous fait écarter les coudes tout en gardant les doigts liés : ce faisant, elle élargit l’espace du cœur. On dit que ce mouvement dissipe les peurs et apaise les tensions, tout en favorisant l’enthousiasme et la persévérance. Autant de bienfaits propices à la concrétisation d’un projet, ou tout simplement au commencement d’une nouvelle journée. Émotionnellement, cette mudra, agissant sur le chakra du Cœur, favorise la compassion et le respect.

En terminant cet article, je regarde d’un autre œil mes mains pianotant sur le clavier… Il s’en passe des choses, au bout de nos doigts! Et vous, pratiquez-vous certaines mudras?

Les mudras vous intriguent ?

Si vous souhaitez :

  • Savoir quelle mudra pratiquer, en fonction de votre tempérament et vos besoins
  • Connaître la symbolique de ces gestes
  • Comprendre leurs effets énergétiques

Je vous invite à consulter ce petit livre. 

Livre sur les mudras et le yoga

20 réflexions sur “Mudras : que signifient ces gestes des mains?”

  1. Bonjour,

    Merci pour votre article
    Où puis je me procurer le petit livre Mudras energie au bout des doigts
    Merci de votre réponse c’est toujours un plaisir de vous lire
    Nicole

  2. Bonjour Clémentine, voici des années que je lis tes mots, tes partages généreux ici et dans tes livres.
    Depuis quelques mois, je suis élève pour devenir professeur de yoga, je me rends compte que la lecture de tes articles avaient également nourri mes enseignements en plus de ma pratique. J’aime revenir ici, me replonger autrement dans certains sujets. J’apprécie tes mots sobres, doux, avec de l’humour. C’est aisé de te lire, merci de me rendre accessible ces savoirs, recherches, ouvertures…
    Je suis intéressée pour lire ton livret à propos des mudras lorsque sa mise à jour sera parue.
    Bien à toi,

  3. Oh un article sur les mudras qui tombe à point !
    J’ai bien compris que les mudras servent de verrous à la pratique (asana) mais j’ai une question qui peut sembler un peu bête : je suis en reconversion professionnelle vers un métier d’artisan (fleuriste). Ce n’est que le début et j’ai déjà mal aux mains et au doigts, est-ce que les mudras peuvent m’aider à dissiper la douleur ? Et si oui, comment ?

    1. Je pense qu’une pratique régulière des mudras peut avoir un effet à ce niveau-là, car, l’air de rien, ces différentes positions des mains assouplissent et renforcent les doigts ; énergétiquement, ça doit jouer aussi!
      Bonne reconversion (quel beau métier vous avez choisi!) et bonne pratique.

  4. Ralala, comme d’hab’ : un vrai plaisir de lire tes p’tits articles plein d’enseignements :-)
    Merci pour cet article qui tombe pile poil (… à croire qu’il y a parfois connexion : je me posais justement des questions sur les mudras ces derniers temps xD !).

    Bref !
    Allons mudra-iser un peu :-D

  5. Merci, vos articles sont toujours bien documentés et agréables à lire. Du coup je viens de m’offrir comme cadeau de rentrée ce livret.
    Je me dis que les mudras peuvent être pratiquées au travail selon les besoins, de façon discrète.
    Celle présentée aujourd’hui va me servir vendredi et samedi (2 journées qui vont déterminer mon emploi du temps pro jusqu’en juillet 2019…et donc aussi l’organisation familiale).
    Belle journée,
    Estelle.

  6. Bravo pour cet article, et d’avoir dit que Mudra est féminin en Sanskrit (même si tout au début tu l’emploies au masculin), c’est peu connu.
    Il y a aussi des mudras dans la danse indienne, dans l’hindouisme et dans le Bouddhisme. Parfois elles sont identiques, parfois une même mudra a une signification différente.
    En yoga Chin/Jnana mudra devrait se faire l’index fléchi DANS le pouce et non pas faire un cercle avec l’index au bout du pouce comme on le voit souvent. Car la symbolique est l’ego qui se plie dans l’absolu. Faire un cercle est dans le Bouddhisme la mudra de l’enseignement et de l’argumentation. … J’adore les mudras :) et conseille d’aller au Musées Guimet pour en voir quelques unes de l’hindouisme et du bouddhisme.

    1. Merci pour toutes ces précisions! J’ai étudié l’histoire de l’art à Paris (au Louvre) et le musée Guimet était mon préféré d’entre tous :-D J’y passais des heures et des heures! Voilà sans doute comment est né mon intérêt pour les mudras…

  7. Merci pour ce super article !! J’en ai découvert quelques uns cet été lors de 2 semaines de yoga kundalini que j’ai adoré <3. Il a l'air super ton livret, je me le mets dans un coin de ma tête pour dans quelques temps quand la rentrée sera passée ;). Belle soirée à toi. Bises xxx

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