L’histoire de la Posture sur la Tête

Les postures que nous pratiquons n’ont pas toujours porté les noms que nous connaissons. Ainsi, lorsque notre Shirsha-asana, “posture de/sur la tête” apparait pour la première fois dans les textes (dans le Traité sur le Yoga du jaïn Hemachandra, au 12e siècle), elle s’appelle au choix Kapâlî-karana, “le geste du crâne”, ou Duryodhanâsana, “la posture de Duryodhana”. La première appellation est évidente ; la seconde est plus énigmatique.

Bahr al-Hayāt, un manuscrit persan illustré, publié en 1602 par Muhammad Gawth

Duryodhana est un personnage de la grande épopée du Mahâbhârata. Il est l’anti-héros de l’histoire ; on l’affuble de tous les défauts. Cupide, jaloux, brutal, arrogant, malhonnête et dégoûtant. Son comportement avec la gent féminine laisse à désirer. Une, en particulier : Draupadi, qu’il força, comble de l’outrage, à s’asseoir sur ses genoux. Une femme ne pouvait s’asseoir que sur les genoux de son père ou de son époux. Or, des époux, Draupadi en avait 5 : les frères Pandava, vrais héros de l’histoire, cousins de Duryodhana. Bhima, le plus fort et le plus bagarreur des 5 frères, et sans doute le plus amoureux, jura de briser les cuisses de son infamant cousin.

L’occasion lui en est donnée lors de la grande bataille qui oppose la fratrie de Duryodhana à celle de Bhima pour une histoire de royauté volée. Toujours armé de sa massue, qu’il manie à la perfection, Bhima se retrouve face à Duryodhana en combat singulier. Bhima se rappelle la promesse qu’il s’était faite. Mais frapper en dessous de la ceinture est contraire au code moral des combattants.

Certaines versions de l’histoire racontent que Bhima ignora délibérément cette injonction et frappa un coup bas. Mais dans d’autres versions, Duryodhana, pour éviter un coup de son assaillant, sauta en l’air et fit un mouvement d’acrobate au cours duquel, durant une fraction de seconde, il se retrouva la tête en bas et les pieds en l’air. Bhima en profita pour lui briser les cuisses d’un coup de massue bien senti : c’est ainsi que Bhima vengea l’outrage de sa bien-aimée sans enfreindre le code d’honneur de toujours frapper au-dessus de la ceinture.

Voilà sans doute pourquoi Hemachandra baptisa “posture de Duryodhana” l’inversion sur la tête que nous connaissons. Après le 12e siècle, la posture disparait des textes yogiques. On ne la retrouve qu’au 18e siècle : lorsque l’ascète Purân Puri la décrit, il l’appelle Kapali-kârana. Sur la même racine, le Jogapradîpikâ, composé en 1730, parle lui aussi de Kapalâsana, la posture du crâne.

Si le nom Shirshana est récent, la posture est ancienne.

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